La Terre des Origines

ou

Le Futur Oublié

 

Telecharger le fichier Word pour pouvoir l'imprimer et le lire tranquillement ^^ : La Terre des Origines

 

1. L'année du Lapin


Vous, peuples de Melico, tremblez quand viendra le jour
Où les dieux viendront vous faire expier vos crimes
Clamer votre innocence sera votre mort
Eternelle souffrance
Reconnaître vos fautes, sera le pardon
Eternelle délivrance


Chapitre 6 du livre des morts des Ateques
Prophétie de l'année du lapin


Le cœur d'Aquiro battait à toute vitesse. Tendu, il attrapa du bout des doigts le poignard à la lame d'onyx qui se trouvait près de sa couche, puis se leva brusquement, le regard fixé sur l'échancrure de toile laissant passer la lumière blafarde de Lunitar. D'un geste, il rabattit le morceau de tissu tout en essayant de percer les ténèbres environnantes. Le froid lui tétanisait les muscles. Le cri d'alarme lancé par un des gardes du clan l'avait brusquement réveillé, et il ne portait qu'un pagne, idéal lors des chaudes journées mais insuffisant dès la nuit tombée. Sans la chaleur bienfaitrice de la tente, il se sentait sans défenses, et sa main se crispa sur sa dague. Un jeune homme brun, habillé d'une large veste de peau, sortit d'un buisson, affolé et essoufflé.
- Que se passe-t-il ?
- Venez voir…sur la mer….collines flottantes….vite !
Déjà, plusieurs hommes et plusieurs femmes s'enfonçaient dans l'obscurité, avant qu'il n'eut le réflexe de suivre le garçon. Eclairée pas la lueur des torches, leur course parmis les hauts arbres s'arrêta à la limite de la forêt, une immense plage de sable fin semblant se jeter dans une mer noire infinie. Un peu plus loin, Aquiro distingua deux silhouettes blanches, comme deux collines tombées des nuages. Il les regarda fixement, agenouillé derrière une branche qui le cachait entièrement.
Ils restèrent ainsi pendant plusieurs heures. L'aube pointait déjà son nez et la mer avait pris rapidement une couleur de feu.
D'étranges personnes sortirent d'une petite ouverture apparue comme par magie. Elles sortirent ainsi, au nombre de cinq, les unes après les autres. Le premier, un homme blond, portait une étrange tunique au reflet de nacre et une cape rouge flottant dans le vent matinal. Sa tête, fièrement levée, portait un diadème turquoise, assortit à ses yeux. Il était accompagné de trois hommes et d'une femme.

****

Le visage de Liana la brûlait. La nausée causée par le voyage Oméga ne s'était pas dissipée malgré la stabilité du macbul depuis quelques heures. De sa vie, elle n'avait jamais fait de voyages aussi long, et l'arrivée précipitée sur cette étrange planète n'avait qu'aggravé son état. Intérieurement, elle maudit son supérieur, le Seigneur Caïen, de lui avoir confié cette mission, ainsi que sa mère qui l'avait forcé à accepter. Son époux, général en chef des scientifiques, l'avait accompagné pour la surveiller. Elle le regarda, les yeux entrouverts, éblouie par le soleil levant. Il était plein d'assurance, plein d'arrogance et d'orgueil. Sans doute était-ce pour ca qu'elle l'avait autrefois aimé.
Le regard surpris des accompagnateurs la tira de sa torpeur: plusieurs hommes sortirent des buissons avec hésitation, puis se rassemblèrent sur la plage. Doucement, les uns après les autres, ils mirent un genoux a terre en chantant une étrange litanie a la fois douce et légère, les yeux rivés au sol. Parfois, ils jetaient un petit regard furtif, empli de respect et d'inquiétude.
- Qui sont-ils ? demanda Liana
- Des barbares, sans aucuns doutes ! répondit Sawldine, au coté du général
Elle regarda les silhouettes fixement puis, faisant une brusque volte-face, rentra dans l'appareil, suivi des ses compagnons.

****
Aquiro se retenait pour ne pas se relever. Des crampes, des épaules aux cuisses, le tiraillaient de toutes parts. Voilà des heures qu'ils étaient ici, attendant la réapparition des êtres de la colline. Finalement, il décida de se relever, malgré les regards réprobateurs de ses voisins. Il regarda le macbul, s'attendant à tout instant à être foudroyé pour avoir osé manquer de respect. Comme rien ne se passait, il décida de faire ce qui lui semblait la meilleure des solutions: rentrer chez lui. Des coups d'œils surpris se tournaient vers sa personne, mais il resta imperturbable. Enfin, d'autres le suivirent, la tête toujours baissée. Et en silence, un à un, ils rentrèrent au village.

 

2. Les Dieux


" Rien ne pourra jamais devancer notre technologie… Rien? Notre peuple, que nous nous efforçons de garder puissant, n'est-il pas en train de sombrer dans la folie? Oui, nous sommes puissants, mais combien avons nous dû détruire de civilisations? Combien de personnes avons nous dû soumettre à notre joug? Ne pouvons nous pas bâtir sans détruire? Il est temps, mes frères, de lever les poings vers l'injustice, de lutter contre notre propre nation. Libérons nos emplotechks, délivrons-les de notre monde, et délivrons-nous nous même! … "


Extrait du discours (surnommé "la révolte du rouge ") du criminel Gâad
(condamné plusieurs fois à mort, disparu mystérieusement en 6458 ap. G.A.)

 


La cape de Liana claqua quand elle se retourna. D'un regard, elle examina toutes les personnes, plus ou moins importantes, qui s'était réunies à l'occasion de leur arrivée.
- Qu'allons nous faire ? Nous n'avions pas envisagé que cette planète soit habitée…demanda un petit homme, assis en face d'elle.
- Il est vrai que celà n'était pas prévu au programme, mais ne prenons pas de décision trop hâtive, répondit-elle, le regard dans le vague.
- Nous ne pouvons nous permettre d'attendre, et une solution expéditive serait la bienvenue, et négocier avec des sauvages nous prendrait des semaines…Je ne vois qu'une solution….
Ces paroles, sortant de la bouche de son époux avec conviction, firent l'effet d'un coup de fouet et un homme, rond de visage, se leva avec précipitation :
- Voulez-vous vraiment que celà se finisse dans un bain de sang? Ce serait un véritable gâchis de ternir l'image de nos colonisations par des massacres! "
Le silence se fit entendre, mais Liana crut être dans une des ces arènes Interétat, assistant à d'étranges combats muets. Puis un sourire malin, machiavélique, se dessina sur les lèvres du général.
- Ma chère épouse, vous qui êtes la responsable de cette mission, qu'en pensez-vous?
Liana réfléchis pendant un court instant. Après tout, qu'est ce que la vie de barbares, à côté de la science?
- Très bien! Je décide que tout être vivant doté d'intelligence sur cette terre devra nous être soumis.
Elle sourit.
- Et que toute révolte sera punie de mort!
La réunion prit fin.

****

Aquiro, le visage constellé de fines gouttelettes de sueur, torche en main, s'enfonça dans les ténèbres. Geguad avait été pris… Il était le quatrième en quelques jours. Des images lui passèrent dans l'esprit. L'émissaire envoyé par les étrangers…l'ordre… les habitants obligés de travailler doublement… les infirmes, les jeunes enfants, les vieillards morts, tous…. son grand-père tombant dans la poussière…le sang abreuvant la terre…
Peu de personnes s'étaient révoltés. La plupart pensait qu'ils étaient des dieux. Tout ça à cause d'une vieille prophétie…Il secoua la tête, chassant ses noires idées et s'engouffra un peu plus dans la galerie et arriva dans la tanière où s'était réfugié le groupe et jeta un œil sombre aux occupants. Treize hommes, six femmes et deux enfants: leur armée.
- Gegad ne reviendra pas, dit-il tristement.
Une des femmes éclata en sanglot. Elle s'imagina la scène, les hommes tirant l'infortuné. Son frère.
Des bruits de pas les firent sursauter. Dans l'entrée apparurent plusieurs têtes. Les muscles tendus, Aquiro recula. L'homme qui se trouvait à ses côtés, tel un félin, bondit, une dague entre les mains. Un éclair jaillit. Tout se passa très vite. L'homme s'écroula par terre, et, le regardant mourir, Aquiro sentit la haine l'envahir. Un cri de guerre retentit. Tout n'était plus que sang et poussière. Le bruit des lames taillant la chair se joignit au crépitement sourd des rayons lumineux, répandant une étrange odeur de viande grillée. A son tour, Aquiro se retrouva au sol. Il leva la tête, vit un soldat le menacer puis, il tomba dans le néant.

****

- Ces sauvages sont vraiment des imbéciles. Ils nous ont vraiment facilité la tâche! ricana Liana.
- Apparemment, ils nous ont pris pour les dieux d'une ancienne prophétie. Leurs craintes les ont même poussé à dénoncer les rebelles. Les survivants ont été arrêtés et enfermés, lui répondit le soldat qui se trouvait derrière elle.
- Les barbares et leur religion. Leurs superstitions les ont perdu! Comment peut-on croire à de telles sornettes, tout ces esprits, ces dieux et ces déesses? continua Liana.
Ces autochtones, qui, il y a quelques jours ne lui inspiraient que de l'indifférence, lui aparaissaient maintenant comme des être inférieur, indignes d'être appelés des hommes, et leur croyance lui donnait la nausée.
- Très bien, vous tuerez ces animaux rebelles, les prisonniers, pour qu'ils servent d'exemple.
- Je ne pense pas qu'il serait utile…Il hésita…la troupe des rebelles n'existe plus, et le peuple nous est entièrement soumis.
Liana tourna la tête vers son interlocuteur.
- Peut m'importe, mais finissez-en avec eux!
- Très bien, ma Dame. "
Il se retira après l'avoir longuement salué, la main sur le cœur.

****

Aquiro regardait les murs suintants, le sol jonché de débris et de poussière. Il lui semblait être enfermé dans cette pièce depuis une éternité, et il n'avait pu s'assoupir tant le froid qui y régnait lui pénétrait le corps. Longtemps, il avait essayer de trouver un moyen de s'évader, mais, résigné, il s'était assis contre un mur, plongé dans ses pensées _ Qu'allait-il devenir? Pourquoi n'était-il pas avec les autres, ou peut être sont-ils tous ainsi séparés?_ Au milieu de son front courait une blessure. Profonde, il avait l'impression qu'elle lui avait déchiré tout le visage. La douleur devenant de plus en plus intolérable, il se laissa bercer par ses songes. Il resta ainsi entre la vie et la mort, dans le délire. Pendant un instant, il crut voir la "Grande-Dame-La-Mort ". Elle le fixait de ses yeux tristes, noirs, intenses, comme si elle partageait sa douleur, ses cheveux de nuit voletant derrière elle. Vêtue de blanc, un grand corbeau, le plumage luisant, était perché sur son épaule. Ainsi, elle avait décidé de lui apparaître dans ses jours de bontés. Il ne sentait plus rien.
Elle s'approcha de lui…
Une douleur effroyable lui parcourut tout à coup le bas ventre, le ramenant brusquement à la réalité si douloureuse.
- Debout, chien, l'heure est venue! aboya le garde.
Ne pouvait-il pas mourir en paix? Devait-il vraiment suivre cet homme pour obtenir, de toute façon, la même fin? Il se leva, et, tout en reprenant ses esprits, son instinct de survie revint. Le garde le tapa plusieurs fois, dans le bas-ventre, dans les côtes, mais il resta debout, retenant sa colère, jurant qu'il se vengerait. Enfin, quand l'homme décida que c'était assez, il le tira vers la porte et tous deux s'engagèrent dans le couloir d'acier. Pendant un temps, il se laissa entraîner, puis il fixa la ceinture du soldat où pendaient plusieurs armes. Il n'en connaissait aucune et il ne pourrait rien en tirer.
Ils arrivèrent devant un attroupement de personnes. Aquiro vit plusieurs de ses compagnons qui lui lançaient des regards, soit implorants, soit résignés. Certain criaient, encaissant les coups de plusieurs gardes sans même s'arrêter. Une table se dressait à leurs côtés. Dessus étaient posés divers objets. Il sentit son sang bouillir quand il aperçut un poignard à la lame effilée. Ces hommes ne craignaient vraiment en rien leurs prisonniers pour laisser leurs armes exhibées de la sorte. Mais il n'eut pas le temps de réagir, un homme le devança.
- Lequial ! cria Aquiro.
Mais il était trop tard. L'homme, en voulant dérober le poignard, s'était cogné contre un mur invisible. En une seconde, une décharge déferla dans son corps, laissant échapper la lame de ses mains. Aquiro n'eut le temps de réfléchir. Il ramassa l'arme, égorgea ou éventra plusieurs des soldats qui n'avaient pas encore réagit. Il mit beaucoup de plaisir a fendre la chair de celui qui, il y a encore quelques minutes, lui avait fait subir humiliations et douleurs. Puis, comme un oiseau, il s'échappa des tirs lumineux des autres gardes et courut aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Il savait que ce qu'il avait fait était un véritable suicide, mais il n'avait plus rien a perdre.
S'arrêtant à un embranchement, il souffla pendant quelques secondes tout en jetant des coups d'œil derrière lui. Il entendit les cris des ses poursuivants, leurs pas précipités. Après avoir laisser couler son regard, il vit une porte apparemment non close. Rapidement, il se glissa jusqu'à son niveau, puis l'ouvrit et pénétra dans la pièce. Il y avait quelqu'un à l'intérieur

 

3. L'otage


"Les sentiments sont de bien drôles de choses, mon enfant. La joie, la tristesse, la mélancolie. On dit que certains devraient disparaître. Mais ne dit-on pas que, sans haine, l'amour n'est rien ? Ainsi, en chacun de nous s'affronte la lumière et l'ombre. Quand l'un recule, l'autre envahit l'être, mais le premier ne disparaît pas pour autant. Il guette le moment propice pour surgir à son tour. Le bien ne peut être sans le mal, comme la vie ne peut être sans la mort. "
Souvenirs d'une discussion un soir d'été entre Aquiro enfant et son grand-père.


(Journal intime d'Agraa)


Erdros se dirigea vers la porte où le fuyard s'était réfugié. Ses camarades l'accompagnaient, se trouvant à quelques pas derrière lui. Quand il pénétra dans la pièce, il se posta immédiatement en position d'attaque. Il sentit sa sueur doucement couler sur son front, pour descendre sur sa nuque et enfin atteindre la plaine désolée de son torse. Ceci provoqua de désagréables petits picotements.
Devant lui, se trouvait l'évadé, tenant fermement dans ses bras une jeune fille, et, les yeux flamboyants, appuyait la lame acérée contre son œsophage délicat. Il tressaillit. Cette fille n'était autre que la capitaine, la responsible de la mission, la femme de son propre chef. Non, rien, il ne pouvait rien faire s'il voulait qu'elle reste vivante. Les yeux du barbare indiquaient que la folie avait envahit son esprit, comme les behams qu'on gardait en cage, et, une fois dans les arènes, devenaient fous, emplis de la rage de vivre.
L'échappé se dirigea rapidement vers une deuxième porte se trouvant du côté opposé de l'entrée. Il l'ouvrit de son coude, puis se glissa dans l'ouverture, l'otage toujours serrée contre lui. Faéyé s'y précipita, mais déjà ils étaient partit. Il entendit les cris affolés de ses compagnons.
- Où sont-ils passés ?
Il ne le savait pas.

****

Aquiro s'assit sur un amas de vieilles branches qu'il avait laissé là il y a quelques temps. Liana le regarda, les yeux emplis de colère.
- Pourquoi m'avez vous enlevé, chien ? Pensez-vous que l'on peut abuser de moi si facilement ?
- Vous étiez ma clef, mon passe pour sortir de votre ville de mort. C'est seulement pour ça que je vous ai enlevé, et, quand à abuser de vous, je n'en ai aucunement envie. Vous êtes aussi blafarde que les gens de votre peuple et votre corps ne me fait aucunement envie, répondit-il avec froideur.
La haine envahit le cœur de Liana. Comment osait-t-il, lui, le sauvage, la traiter de la sorte ?
- Ignorant, animal, brute, monstre ! cracha t'elle, laissez moi partir, et peut-être que mes gardes vous feront don d'une mort rapide. Vous, votre peuple, votre monde, tout empeste la saleté ! Vous n'êtes rien, rien que de petits insectes. Il me suffit de serrer ma main pour tous vous écraser ! Elle joignit le geste à la parole.
Aquiro se leva et la gifla violemment.
- Qui êtes vous pour nous traiter de monstres, vous qui avez mis mon peuple sous vos ordre !
- Il sera enfin utile à quelque chose, répliqua-t-elle, la main sur sa joue brûlante.
Aquiro serra les poings.
- Petite vermine ! Vous et votre peuple n'êtes rien, et ne serez jamais rien ! Votre ambition vous ronge et votre magie aussi.
- On reconnaît bien les peuples inférieurs. Tout ce qui est inconnu est magique. Notre magie n'est aucunement fantastique, mais provient de l'intelligence de l'homme…de mon peuple. Elle s'appelle la Science. Et remercie la, car c'est grâce à elle que nous pouvons communiquer, que nous pouvons nous comprendre.
- La remercier ? Pour comprendre les paroles d'une vipère ? Autant parler avec les démons !
Il se rassit, retenant le brasier qui se consumait lentement en lui. Il avait envie de la frapper, de lui faire subir les pires horreurs, venger ses amis, sa famille, son grand-père. Puis le brasier s'éteint. Quelques temps passèrent sans qu'un murmure ne se fasse entendre. Il en avait profité pour se réfugier dans ses pensées, pour voler de souvenirs en souvenirs. Puis, il se mit à penser à son devenir. Il avait eu de la chance de pouvoir sortir de cette étrange colline, mais il ne savait que faire de cette fille bien trop sûre d'elle. Peut-être avait-elle exagéré, mais il savait bien que des hommes de son peuple allaient la chercher. Ce qu'il venait de faire ne servirait certainement à rien. Il avait essayé de sortir de la voie de son destin, mais son avenir était déjà tout tracé, il le savait. Il regarda Liana. Cette étrange fille, qui allait sûrement lui causer mille ennuis, et, d'après ce qu'elle lui avait raconté, avait commandé la capture de sa cité. Sa magie, surtout, le fascinait. Sa Science comme elle n'arrêtait pas de le répéter. Une science qui n'avait pourtant rien à voir avec celle de son peuple. Une science inconnue qui ne lui avait apporté que souffrance et malheur. Il en était arrivé a une conclusion : la Science, grande, belle, merveilleuse, fascinante mais cruelle, dangereuse ; car son père, l'homme, ne saura sans doute jamais la contrôler. Puis, une question se forma dans son esprit. Curieux, il décida de rompre le silence.
- Vous m'avez dit que grâce à votre Science, nous pouvons nous comprendre…il hésita…qu'est ce que cela veut dire ? Vous ne parlez pas ma langue ?
Liana, surprise de la voix étrangement douce de son interlocuteur, décida également de diminuer son agressivité.
- Mon peuple nous implante depuis notre naissance un système de langue, afin de décoder tout langage que nous sommes inaptes à comprendre. Une fois que la traduction atteint mon cerveau, mes propres paroles se retrouvent transformées et deviennent la langue de l'interlocuteur.
Aquiro, fasciné, resta pendant un temps suspendu à ses lèvres. Puis il sourit.
- Chez nous, nous faisons le langage des signes, simple mais efficace. Ainsi, chaque clan peut comprendre les autres.
- Le langage des signes ? répéta Liana, interloquée. Qu'est ce que c'est ?
Aquiro rit.
- En son nom comporte tout son mystère.
Liana répondit à son rire d'un sourire timide.

 

4. La Terre et le Ciel


"Lys de terre, tu oublie ta poitrine mortifiée, et tu te laisse emporter par la brise légère du levant. Virevoltant, tu regardes tes pairs d'un regard supérieur: te voila au dessus d'eux! Mais quelle sera ta chute quand tu te retrouveras à nouveau sur l'herbe. Et alors, à nouveau, tu supplieras cette douce brise pour t'emmener loin, loin jusqu'au pays des morts où se trouve d'autres fleurs dévorées par l'ambition et la jalousie…"


Eryys, philosociologue du 62eme siècle


Un cri retentit dans la rumeur du vent. Aquiro se retourna brusquement, faisant voleter ses longs cheveux noirs. Était-ce elle? Il accoura vers les plaintes qui commençaient à se perdre, écartant au passage les branches, évitant les racines, courant avec l'agilité d'un félin. Il déboucha dans une prairie marécageuse, où se trouvait la fille. Un long serpent l'entourait de ses anneaux, l'étouffant avec suavité et souplesse. Aquiro regarda la scène, puis secoua la tête. Pourquoi devait-il la sauver? Il se retourna avec calme et s'avança à nouveau dans la profondeur de la forêt. Après avoir fait quelques pas, il s'arrêta net, comme si un murmure lui priait de stopper. Il regarda le sol d'un air douloureux. Cette femme était tout ce qu'il détestait, malgré ses efforts pour la comprendre. Haine, vanité, ambition, égoïsme, voilà ce qu'il lisait dans ses yeux. Il serra les poings, le chuchotement continuant son long message à travers ses tempes. Il devait finir par se l'avouer, il était jaloux d'elle. Si fière, elle avait sû lui tenir tête, et il lui devait pour cela le minimum de respect. C'est à contre-coeur qu'il fit demi-tour en marchant, espérant qu'il soit trop tard.

****

Dame Erlina avança vers le grand mur vitré, admirant le levé de Loss, le premier soleil. Serrant le drap contre elle pour lutter contre le froid du petit matin, elle jeta un coup d'oeil sur les vagues que formaient les grandes herbes aux reflets bleus. Elle aimait cette planète pour sa flore luxuriante et sa faune incomparable, dit on les plus étranges, et il lui plaisait de flâner dans les allés de la nouvelle ville, regardant avec curiosité les animaux exposés et les indigènes. Une amie lui avait murmuré qu'ici les hommes étaient de formidables amants, et elle s'était empressé d'en faire son lieu favori pour passer quelques séjours. Elle avait passé une nuit des plus exquises, mais son coeur n'arrivait pas à trouver la paix. Sa fille arrivera-t-elle à accomplir cette mission? Elle l'espérait, car il lui tardait de recevoir les honneurs qui lui était dût, ou alors elle aura enfin une raison nécessaire pour la répudier. Depuis le léger malentendu avec son beau-fils, alors qu'il avait refusé ses avances, elle n'arrivait pas à enlever la rancoeur quelle gardait pour la chair de sa chair. Mais cela faisait depuis longtemps que Dame Erlina avait perdu son âme dans l'une de ses nombreuses joutes amoureuses, et son esprit, dévoré par l'appât du gain, n'arrivait plus qu'à se concentrer sur les différents moyens d'influencer son entourage.
Elle était belle, on lui donnait peut être vingt-cinq ans ou trente ans, magie de la science, pourtant, ses yeux semblaient mort, comme si la chandelle qui brûlait en elle s'était éteinte depuis longtemps. Elle sentit une tristesse l'envahir, comme un dernier cri d'alerte, avant de le perdre au fond de ses souvenirs oubliés, mélancolie inutile, et se retourna vers le lit où dormait sa conquête d'un soir. Un jeune homme au teint pâle s'y trouvait, dormant comme un enfant. Il ignorait que la merveilleuse jeune femme avec qui il a passé la nuit pouvait très bien être sa grand mère, et c'était avec satisfaction que Erlina s'en était joué, heureuse d'avoir la preuve qu'elle arrivait à contrôler le temps, ce temps qui lui faisait tellement peur.
Elle se dirigea d'un pas silencieux vers la porte après s'être rapidement habillé, sortit, alerte, puis ordonna qu'on chasse l'invité dès son réveil à l'un des serviteurs. Puis, satisfaite, elle sortit dehors.

****

"Je n'aurai jamais dût vous tendre la main! J'aurais dût vous laisser mourir! s'écria le jeune homme. Liana le regarda, enflammée d'une colère intense.
_ Pourquoi ne l'avez-vous pas fait? J'aurai été tellement à l'aise loin de vous! cracha-t-elle avec insolence.
Aquiro leva le regard au ciel, écartant les mains d'un signe d'incompréhension.
_ Je vous avais dit ne pas vous enfuir! Je vous avais prévenu des dangers qui rôdent dans les marais! Votre voeu le plus cher était de mourir, c'est cela?
_ Ca n'aurait pas été trop mal! Même la mort doit être douce, si je devais encore vous supporter!
Aquiro sentit la colère lui mordre le coeur.
_ Vous parlez avec fierté, mais vous être prisonnière de votre bêtise! Vous n'êtes remplie que d'égoïsme et de vanité, vous n'êtes rien!
Liana, n'en pouvant plus, se jeta sur lui, le martelant de ses poings avec rage.
_ Taisez-vous, maudit bâtard! Taisez-vous!"
Aquiro la prit par les poignets avec force, mais continuant à se débattre, elle essayait de lui donner des coups de pieds. Le jeune homme lui faucha la jambe et ils s'écroulèrent tout deux sur le sol de la grotte. Par une main libre, elle griffa Aquiro, puis essaya de rouvrir la plaie qui était sur son visage. Il se défendit, la reprit par les poignets et , à cheval sur elle, l'écrasant de tout son poids, la plaqua au sol, les mains au niveau de sa tête. Liana haleta, épuisée.
C'est alors qu'elle sentit son coeur se serrer. Vidée de ses forces, meurtrie et effrayée comme un animal blessé, elle gémissait, lançant des regards désespérés. Ses yeux finirent par s'arrêter sur les épaules de son agresseur. Elles étaient musclées, bronzées. Ce barbare était l'incarnation même de la beauté sauvage, de la délivrance qu'elle cherchait depuis tant de temps, de la liberté qu'elle avait oublié. Depuis qu'ils avaient parlé tout deux tant bien que mal, entre deux insultes, elle s'était surprise à admirer cet homme, qui était nourri d'une passion toute innocente, l'exaspérant et l'hypnotisant à la fois. Elle rencontra son regard sombre et son coeur fit un bon, troublée, déconcertée par ses pensées. Aquiro, lui, regardait fixement sa prisonnière. Maintenant, elle était belle et désirable, avec ce regard perdu, ce corps tremblant. C'était enfin sous cette étreinte qu'il sentait leur égalité, qu'il avait enfin pu réussir à la dominer. Ses cheveux lumineux perdu dans la poussière, des larmes coulants sur ses joues, elle avait gardé sa beauté de déesse, mais paraissait enfin si humaine. Son souffle s'accéléra, pétrifié par sa gorge délicate ainsi offerte. A tout deux, leur coeur s'enflammère d'une toute autre flamme, tout deux perdirent leur regard dans les yeux de l'autre, ses deux images que tout deux avaient envié. Liana, immobile, sentit l'haleine chaude de son adversaire et frémit. Aquiro, comme attiré par une force invisible, approcha ses lèvres de celles de la jeune fille, et en cet oubli, ils s'embrassèrent.

 

5. Révélation par le sang


" Le venin de la peur tue un homme
Le venin de l'amour tue un homme
Mais le deuxième
Est plus doux que le premier."


Poème de l'âge secondaire


- Mon Seigneur ?
- Qu'y a-t-il ?
- Votre femme et le fuyard ont été retrouvés. Il est encore en vie et votre femme est saine et sauve.
-Très bien, appelez-la, qu'elle vienne ici de suite.
- Bien mon Seigneur.
Le général, satisfait, se retourna et alla dans une pièce voisine.

****

Liana se trouvait affalée sur le ventre, sur le vaplit, la main pendant dans le vide. Tout en regardant les volutes de vapeurs qui tourbillonnaient à hauteur de ses yeux, elle songeait aux paroles d'Aquiro. Quelques instants plut tôt, elle s'était surprise à admettre qu'elle avait aimé se retrouver otage de cet homme. Il lui avait dit des choses qui avait remué son cœur, son esprit et son âme. Jamais elle ne s'était sentit aussi libre, sauf quand elle était petite. Pendant qu'elle pensait à cela, les images d'Aquiro, puis de sa jeunesse, se dessinèrent dans sa tête. Elle se voyait, courir dans les plaines environnant la maison de son père. Elle entendait son rire cristallin, résonant telle une petite cloche. Elle se souvint de cette petite flamme qui brillait dans ses yeux, cette joie de vivre qui coulait dans ses veines. L'image repassa dans sa tête. La petite flamme devint éclatante, aveuglante. Une autre image poussa la précédente. Celle de sa mère, sévère, l'emmenant dans sa nouvelle école, l'École Politique de la ville d'Emiona. Et ces années passées là bas, et la flamme, toujours cette petite étincelle, devenant de moins en moins brillante, pour enfin se noyer dans le fin fond de ses yeux bleus.
Elle serra sa main sur son ventre. Elle avait mal. Sur ses joues, elle sentait les larmes doucement rouler, comme pour la laver des saletés qu'elle avait accumulé depuis tant d'années.
L'aportision sonna. Elle leva la tête et vit à l'écran la mine lugubre d'un soldat.
- Que me veux-tu ?
- Votre mari vous demande à la salle principale.
- J'arrive.
Son époux était assis à une table, parlant à son conseiller, quand elle apparut. Fière, sereine, belle, les yeux de métal fixés sur le général, la peau blanche tel un rayon d'astre nocturne.
- Ah ! Ma chère et tendre épouse ! je vous en prie, asseyez-vous !
Liana ne se le fit pas dire deux fois et fléchit ses jambes pour s'asseoir. Une eauchaise apparut immédiatement, réglée au désir de Liana.
- J'espère que vous allez bien, et que ce barbare ne vous a rien fait.
- Non, il ne m'a rien fait, répondit-elle avec froideur. Où se trouve-t-il en ce moment ?
- Dans un endroit d'où il ne pourra pas sortir, vous pouvez me croire. Ne vous inquiétez pas, ma douce, il va payer pour l'affront causé à vous et à notre société.
Le cœur de Liana fit un bond. Elle avait peur maintenant pour la vie d'Aquiro, cet homme qu'elle avait haït il y a encore quelques jours.
- Je ne veux pas qu'il meurt.
- Pourquoi donc ? Vous êtes-vous attaché à ce barbare pendant ces quelques jours d'entrevue ?
Liana lui lança un regard venimeux.
- C'est moi qu'il a enlevé, c'est moi la responsable de notre séjour ici et j'ai décidé, j'ordonne qu'il vive !
Le général lui fit un sourire mauvais.
- Ma très chère, ce n'est pas pour votre enlèvement qu'il doit périr, mais pour le défi qu'il nous a lancé en s'enfuyant. Et je suis aussi désolé, ma très chère, de vous apprendre que le conseil a décidé que vous êtes inapte à pratiquer votre fonction. Je suis donc maintenant le responsable de ce vaisseau.
Liana blêmit.
- De quel droit avez vous fait ça ?
- Le conseil a décidé. Calmez-vous, cela ne sert à rien de vous énerver. Venez avec moi, nous allons voir votre protégé.
Liana le suivit. Ils s'engouffrèrent dans un long couloir à la lumière vive.
****
Aquiro se trouvait encore enfermé. Mais plus pour très longtemps, il le savait.
La porte s'ouvrit brusquement et la lumière qui s'engouffra dans la pièce lui blessa les yeux. Il réussît à mettre un visage aux silhouettes apparaissantes qui avaient renvoyé les gardes. Liana et un homme, jeune et beau ; le même qu'il avait aperçut le premier jour de leur venue sur son monde.
- Alors, c'est lui…. Dit l'homme, pensif.
Liana resta interdite.
- Allez, debout l'animal !lui cria-t-il.
Aquiro, las, lui répondit, un sourire aux lèvres.
- Et si j'ai pas envie ?
Mais il n'eut le temps de comprendre qu'un coup le frappât vers le niveau du bas du ventre.
- Debout ou je t'écorche vif !
Aquiro se leva, plié en deux.
- Il va falloir que tu comprennes qu'il est fou de nous défier, continua l'homme, veux-tu vraiment rejoindre tes amis ? Tiens, sais-tu que l'un d'eux a crié ton nom avant de mourir ? Je me suis délecté de ses plaintes et j'ai demandé à mes hommes de ne pas l'achever tout de suite.
Aquiro ne put se retenir. Il lui sauta au cou, voulant le serrer de ses mains puissantes, étouffer son adversaire. Mais le général s'y était préparé et l'envoya d'un coup de crosse de son arme s'écraser contre le mur. Puis il s'approcha de lui en murmurant.
- C'est à ton tour maintenant, prépare-toi à rejoindre tes amis.
Aquiro essaya de se protéger avec les mains de la pluie de coups qui s'abattait sur son ventre, son bas-ventre, ses côtes, sa nuque, sa tête. Il crut être dans un cauchemar, que son être avait quitté son corps. Les coups étaient toujours présents, mais il avait trop mal pour sentir quelque chose. Après un moment, alors qu'il s'était résolu à dire au revoir à la vie, les chocs s'arrêtèrent. Il se risqua à un ouvrir un œil. Des flaques rouges se trouvaient de-ci delà. Il leva sa tête.
Liana, ayant lâché la dague, celle avec qui Aquiro l'avait menacé, regardait fixement le cadavre de son mari. Puis son regard remonta sur ses mains. Elles étaient restées crispées et quelques gouttes de sang tombaient peu à peu sur le sol, tel un antique sablier des anciennes légendes, traçant des veines rouges sur sa peau.
Elle en était sûre maintenant, elle ne l'avait jamais aimé… Elle n'avait jamais aimé.

 

6. La Tour d'Argent


" …Un instant s'il vous plaît !…Il y a des siècles de cela, les hommes vivaient sur un seul monde, la terre de nos origines. Mais un vieux livre, sorte de neurovision palpable, nous indique que les hommes ont dû partir pour une raison inconnue, laissant là le plus beau mystère scientifique de tous les temps. Beaucoup de personnes disent que ce n'est qu'une légende, une histoire pour enfant, mais certains chercheurs ont tout de même essayé de retrouver ce monde dont l'emplacement nous est inconnu. Sans aucun succès. Le mystère oublié de nos ancêtres nous sera-t-il encore voilé longtemps ? Déjà, plusieurs de nos propres chercheurs se sont joints aux recherches, et déjà, la découverte d'un nouveau monde ressemblant étrangement aux descriptions à été signalé mais ce…... "


Extrait d'un enregistrement de l'assemblée des dicoscines.
Docteur Jloïne, institut de l'Agrea.


- Alarme ! Alarme !
A peine Aquiro avait-il entendu ce cri, qu'il avait empoigné les mains de Liana et l'emmenait, la tirant le plus vite possible. Ils devaient à tout prix sortir d'ici. C'était tout à fait possible, du moins, c'est ce qu'il pensait…Ce n'était pas la première fois qu'il s'échappait de cette enceinte. Mais cette fois, la partie n'était pas gagnée. À peine avait-il pris le premier embranchement vers la droite que trois soldats apparurent devant eux. Ils durent se replier et retourner en arrière. Après quelques temps de poursuite dans les passages froids, Liana lui ordonna de s'arrêter. D'un geste, elle exigea le silence. Déjà, des bruits de pas se faisaient entendre, et, en espérant passer inaperçu, le front perlé de sueur, ils se contractèrent, dos à la paroi opposée de celle des arrivants. Ils avaient pris une galerie voisine. Aquiro relâcha son souffle. Alors, Liana examina la paroi, fit un sourire mystérieux, et appuya sur une excroissance camouflée dans le mur. Puis, elle lui indiqua de la suivre. Le passage était sec mais sale, éclairé d'une étrange lumière jaune, parfois rouge, et l'atmosphère y était suffocante. Puis peu à peu, le couloir s'éclaira d'une lumière plus naturelle. Ils étaient dehors. Aquiro regarda l'horizon, la berge n'était guère loin, ils pouvaient y aller en nageant sans problèmes. Liana hésita, puis plongea à la suite d'Aquiro. Elle n'avait plus le choix.

****

- Où allons-nous ? demanda-t-elle, inquiète. Dans ton village ?
Aquiro la regarda
- Je ne peux plus y retourner. Mon peuple me prend pour un blasphémateur, pour avoir oser vous défier. Tes amis se sont drôlement bien débrouillés pour leur faire croire qu'ils étaient des dieux, ils sont devenus leurs esclaves.
Liana ne préféra pas répondre.
- Mais ils font de piètres gardes, cela fait plusieurs fois que je leur échappe.
- Ils ne sont pas formés pour courir après des fuyards ! Répliqua-t-elle.
Aquiro sourit.
- Alors ? Où allons-nous ?
- Je ne sais pas, mais il faut fuir, c'est notre seule chance. Tes gardes ont beau être maladroits, ils ne nous manqueront pas la prochaines fois.
- Fuir ? Mais…Où ?
Aquiro fixa le lointain.
- Nous devons traverser la grande forêt, puis les pleines arides, là où personne n'est encore allé. Ensuite, on verra. "
Liana le regarda, inquiète. Les noms de ces lieux ne la rassuraient en aucun cas.
Trois jours passèrent. Trois jours de peine, de fatigue, de douleur, se nourrissant uniquement de baie et de viande chassée par Aquiro. Ils allaient, le plus loin possible. Lui, le plus loin de son peuple qui l'avait banni, rejeté ; elle, de ses amis, de sa famille, de son ancienne vie qui la dégouttait à présent.
Ils étaient au milieu de nulle part. Était-ce cela, les plaines arides ? Tout n'était que terre desséchée, où poussaient quelques brindilles jaunâtres, que désolation, que ruines. Pendant un temps, rien ne troubla la platitude du paysage. Puis, peu à peu, une étrange silhouette se dessina dans les rayons des soleils. Une immense tour se dressait au milieu de carcasses d'autres anciens bâtiments. Comment avait-elle pu rester ainsi pendant des siècles, ni Liana, dans toutes ses connaissances, ni Aquiro, si perspicace, ne purent le savoir. Elle brillait de mille feux, grise au reflet de cuivre. De-ci de là, des brèches s'étaient creusées sur sa surface. Des fissures la parcouraient de tout son long, mais elle tenait bon.
- Qu'est…qu'est ce que c'est ? demanda Aquiro, bouche bée.
- Sans doute…elle reprit sont souffle, accablée pas la chaleur, sans doute une des anciennes tours de…de nos ancêtres.
- Quoi ? Demanda Aquiro, surpris, tournant brusquement la tête vers sa compagne.
Le regard de Liana s'éclaira.
- J'en étais sûre ! C'est cette planète ! Je l'ai trouvé !
- Hein ? Que me chantes-tu là ?
Liana sauta brusquement puis, d'un bond, serra Aquiro contre elle, emportée par l'enthousiasme.
- Cela veut dire que j'y suis ! Je suis sur la terre de légende ! La terre des premiers hommes !
Aquiro n'eut le temps de comprendre, que déjà Liana le tira vers l'intérieur du bâtiment. Les pièces y étaient crasseuses, en désordre. Plusieurs instruments y étaient dispersés, parfois par terre en morceaux, parfois encore sur un antique bureau, la partie supérieure brisée, inconnu à Aquiro. Ils parcoururent ainsi, pièce par pièce, le bâtiment. A chaque pièce, Liana criait de surprise et de joie devant une nouvelle trouvaille. Après quelques temps, ils se trouvèrent dans une grande salle. Plusieurs appareils y étaient rangés. Carrés, avec des rectangles pleins de boutons à leurs pieds. Certains étaient encore entiers.
- C'est quoi ? demanda Aquiro, perdu.
Liana les examina.
- Je ne suis pas sûre, mais je crois que ça s'appelle un orlidateur. Je ne suivais pas très bien mes cours d'histoire, étant jeune. Ils servaient à stocker des informations.
Un temps s'écoula.
- Mais, j'y pense ! Si ça se trouve ! Il est là !
- Qui ça, il ?
- La chose la plus merveilleuse qui puisse exister.
Sans aucunes autres explications, elle commença à appuyer sur différents boutons. Il ne se passa rien. Mais elle persévéra. Alors, retentit un bruit sourd, étouffé ; un générateur. Un écran s'alluma et laissa apparaître, tant bien que mal, des inscriptions. Liana prit la chaise la moins abîmée, faite de fer, et s'installa devant la machine. Rapidement, ses doigts volèrent de touches en touches. Liana était captivée, plongée dans la lecture des pictogrammes dessinés sur l'écran.
- C'est incroyable ! s'écria-t-elle.
Aquiro, étonné, lui demanda :
- Tu comprends ce qu'il y a de marqué ?
Elle lui sourit.
- Toujours mon fameux implant de langages ! Quant à me servir de cet orli….hum…de cette machine, ce n'est pas très difficile, son fonctionnement ressemble beaucoup à celui des stockpensées de mon monde. "
Aquiro ne fut pas plus avancé.
Ils restèrent ainsi pendant un temps, silencieux. Puis la mine de Liana devint plus grave, plus sombre.
- Que se passe-t-il ? demanda Aquiro, alarmé.
- C'est horrible. Je sais pourquoi maintenant la plupart de nos ancêtres ont du partir de ta planète. Cette chose…que nous avons toujours dit merveilleuse, n'est autre que la mère de l'anéantissement de la vie, de l'esprit.
- Hun ?
- Mon peuple est venu dans ton monde pour trouver une légende, une science inconnue. Liana le regarda, grave. Elle hésita. Il ne faut pas que mon peuple trouve ça ! Il est encore trop jeune pour le contrôler.
Aquiro la regarda, sans comprendre.
- Je ne comprend pas bien tout, mais que veux-tu faire ? "
Liana, ne prenant pas la peine de répondre, s'empara d'un morceau de ferraille qui traînait pas là, et commença à taper " l'orlidateur ".
- Il ne faut pas qu'ils sachent, il ne faut pas qu'ils découvrent ! criait-elle, les larmes aux yeux.
Aquiro, la regarda, puis décida de faire comme elle. Un bruit effrayant retentit. Les machines explosaient en des gerbes d'étincelles. Elles se propagèrent vers une machine plus grande que les autres. Aquiro et Liana ne demandèrent pas leur reste et s'enfuirent rapidement.
Les étincelles se transformèrent rapidement en flamme, puis en brasier. Elles avaient déjà dévoré une bonne partie de la pièce et avaient entrepris d'attaquer l'étage en dessous via le sol en bois. Petit à petit, elles prirent du terrain et s'approchèrent de petites caisses. Dessus, on pouvait y apercevoir sur une étiquette à peine visible : " explosif ".

 

7. Résurrection


" Sois toi-même qui que tu sois. "


Proverbe Atequien


Ensemble, au milieu des terres arides, ils étaient restés là. Il y avait eu une explosion, dont le souffle les avait projeté dans les airs, alors qu'ils étaient pourtant loin.
Aquiro ne savait pas ce qu'elle avait vu, mais elle serait la dernière à le savoir. Peut-être était-ce mieux ainsi. Liana, serré contre lui, le visage sale, les yeux brillants, regardait les flammes dévorer lentement les restes de la tour. Elle n'était plus chef, plus citoyenne de son peuple, plus chercheuse; elle était femme. Une femme serrée dans les bras d'un homme qu'elle aimait, regardant les débris des erreurs passées partir en fumée. Et dans son regard, on put voir une petite lumière, une petite étincelle, la même qui avait autrefois disparu, briller dans l'eau de ses yeux.